A la découverte des langues indo-européennes
Les 18 et 19ème siècles - 1



Le Grenier Généalogique
Décembre 2002

" La langue sanscrite, quelque ancienne qu'elle puisse être, est d'une étonnante structure ; plus complète que le grec, plus riche que le latin, elle l'emporte, par son raffinement exquis, sur l'une et l'autre de ces langues, tout en ayant avec elles, tant dans les racines des mots que dans les formes grammaticales, une affinité trop forte pour qu'elle puisse être le produit d'un hasard ; si forte même, en effet, qu'aucun philologue ne pourrait examiner ces langues sans acquérir la conviction qu'elles sont en fait issues d'une source commune, laquelle, peut-être, n'existe plus. Il y a du reste une raison similaire, quoique pas tout à fait aussi contraignante, pour supposer que le gotique et le celtique, s'ils ont été mêlés par la suite avec un parler différent, n'en descendent pas moins de la même origine que le sanscrit ; on pourrait ajouter enoutre à cette famille le vieux perse s'il y avait lieu ici de débattre de quelque façon des antiquités persanes."

William Jones, 1786, cité par J.P. Mallory dans "A la recherche des indo-européens, p. 15-16)

S'il faut attendre 1813 pour voir apparaître le terme "indo-européen" (Thomas Young), il apparaît que dès le début du 16ème siècle, les relations "familiales" entre certaines langues européennes avaient déjà été remarquées. Ainsi Joseph Scaliger (1540-1609) avait, par exemple, tenté de classer ces dernières en quatre grands groupes, chacun nommé du mot utilisé par désigner ce que nous appelons aujourd'hui "dieu".

Groupe "deus" (roman) latin : deus
italien : dio
espagnol : dios
français : dieu
...
Groupe "gott" (germanique) allemand : gott
anglais : god
néerlandais : god
suédois : gud
...
Groupe "theos" (grec) grec : theos
Groupe ""bog" (slave) russe : bog
polonais : bog
tchèque : bub
...

Joseph Scaliger, toutefois, n'alla pas plus loin, niant même toute relation entre ces groupes.

Toutefois, l'idée faisait son chemin et au 18ème siècle James Parsons publia son étude "The Remains of Japhet, being Historical Enquiries into the Affinity and Origins of the European Languages", Japhet, le troisième fils de Noé, étant appréhendé à cette époque comme étant le père de l'humanité non sémitique (éponyme : Sem) et non chamitique (éponyme : Cham).

Dans un livre malheureusement long et ennuyeux, Parsons commence son étude en mettant en évidence la parenté entre l'irlandais et le gallois ; il compara tout de même pour ce faire un millier de mots. Pour lui, il ne faisant aucun doute que ces deux langues était à l'origine "une seule et même langue". 

Ensuite, il compara les mots désignant les nombres fondamentaux les pensant plus stables que les autres de part leur utilité incontestable. Il étudia ces noms dans une vingtaine de langues, d'une part dans celles issues, nous le savons aujourd'hui, de toutes les branches de la famille indo-européenne : celte, romane, germanique, slave, indo-aryenne, iranienne... mais d'autre part, également en turc, hébreu et chinois. 

James Parsons conclut à la parenté du groupe indo-européen. Il fit toutefois quelques erreurs, incluant le hongrois et même les langues des Indiens d'Amérique du Nord au sein de cette famille !!!

Il n'eut pas la postérité qu'il eut mérité et c'est en fait à William Jones, magistrat anglais en poste aux Indes mais également linguiste reconnu, que l'on attribuera le mérite de la découverte de la famille indo-européenne et la création de la philologie comparée... Ce dernier était convaincu de l'existence d'une source commune au sanscrit, au grec et au latin, sorte de langue originelle à son époque disparue. Toutefois, Jones comme Parsons interprète encore ses découvertes à la lumière de la Bible et de l'épopée de l'Arche de Noé. Il faut attendre le 19ème siècle pour voir apparaître une philologie comparée réellement scientifique.

Rasmus Rask (1787-1832) alla au-delà de la simple ressemblance phonétique que ces prédécesseurs découvrirent intuitivement. Les philologues du 19ème siècle mirent par exemple en évidence la correspondance systématique du "ph" grec et du "b" germanique, du "g" grec et du "k" germanique.

physoïdes beech chêne
phéro bear je porte
phràter brother membre d'un clan

Par ailleurs, ils ne limitèrent pas seulement à la phonétique des mots mais mirent également en évidence les similitude grammaticales comme les correspondances entre les flexions des mots sanscrit "agnis" et latin "ignis".

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