LE GRENIER GENEALOGIQUE

   

  

 



L'Armée du Général Bourbaki



Le Grenier Généalogique
Juin 2017

 

Verrières est une petite cité suisse qui doit son nom à une industrie qui fut autrefois prospère. C'est la première ville suisse située au delà du col de la Cluse sur la route reliant Pontarlier à Neuchâtel. Il y a plus de 130 ans, ses habitants furent les témoins d'un bien étrange et terrible défilé militaire... 

Nous sommes au début de l'année 1871, en pleine guerre franco-prussienne, celle que nous appelons "Guerre de 70" sans pour autant vraiment la connaître... 

L'entrée des Prussiens  en France  provoque, comme en 1789, un puissant mouvement populaire. De nombreux volontaires veulent aller contrer l'ennemi. Mais l'union de toutes ces volontés individuelles ne suffit pas pour construire une véritable armée.

Qui plus est, les états-majors sont déchirés entre officiers royalistes et républicains...

Quoiqu'il en soit, une de ces armées hétéroclites, forte de 130 000 hommes, est confiée au Général Bourbaki avec ordre de libérer Belfort et ainsi de forcer l'armée prussienne à lever le siège de Paris. 

Mais voilà, cette armée était concentrée autour de Bourges et son transport vers l'Est est si lent que le général allemand August von Werder (1808, Nordkitten - 1887, Grüssow), le vainqueur de Strasbourg, a largement le temps d'organiser une puissante ligne de défense à l'ouest de Belfort...

Bourbaki connaît toutefois quelques succès. Il est vainqueur en janvier 1871 à Villersexel mais il échoue à la mi-janvier 1871 devant Héricourt et... recule jusqu'à Besançon pourchassé par Werder.  

 

Né dans une famille d'origine grecque, Charles Denis Sauter Bourbaki a été élève à l'Ecole Spéciale Militaire.

Il participa à la campagne d'Afrique de 1836 à 1854. Il est Colonel d'un Régiment de Zouaves en 1851.

Il sert dans l'Armée d'Orient de 1854 à 1856 au cours de la Guerre de Crimée.

Il est promu Général en 1857 puis participe à la  Campagne d'Italie en 1859-1860.

En 1869, il devient Aide de camp de l'Empereur puis commandant en chef de la Garde Impériale.

En 1871, il se replie en Suisse où son armée est désarmée. Il sera ensuite Gouverneur Militaire de Lyon et mis en disponibilité en 1879.

C'est alors qu'une autre armée allemande, menée par le général Edwin von Manteuffel (1809, Dresde - 1885, Carlsbad) et partie de Montargis, passe entre Langres et Dijon, atteint Dole et se dirige vers Besançon. Bourbaki est pris en tenaille... Il fuit alors vers la Suisse par une température de -20° C alors que ses soldats portent encore un simple pantalon de toile... Manteuffel se déplace rapidement et arrive à lui bloquer la route au Sud de Pontarlier. Afin d'éviter un massacre, Bourbaki se met en rapport avec le général  Hans Herzog (1819, Aarau - 1894, Aarau), chef de l'armée suisse délégué par le Conseil Fédéral. Ce dernier signe immédiatement, devant l'urgence d'une situation désespérée, une Convention avec le général Justin Clinchant (1820, Thiaucourt - 1881, Paris).

Grâce au sacrifice du Corps d'Armée du Général Billot (1828, Chaumeil - 1907, Paris) qui bloque les forces prussiennes au défilé de la Cluse-et-Mijoux, l'armée de Bourbaki passe en Suisse le 1er février 1871 où elle sera désarmée. Des volontaires défendront coûte que coûte le défilé de la Cluse afin de permettre à cette armée en déroute de franchir la frontière. Voici un témoignage de ces moments dramatiques cité par André Besson dans son livre "Mon Pays Comtois" (France Empire, 1980) :

« Depuis quelques jours, à Montperreux, on logeait un bataillon à peu près valide. Leur chef, c'était un commandant tout jeune avec une petite moustache. Ce soir-là, il a réuni ses hommes sur la place et il leur a dit : " Voilà, les Prussiens sont à Pontarlier. L'armée va y rester tout entière s'ils passent la Cluse. Nous, on a encore nos fusils et quelques munitions. Vous entendez : s'ils passent la Cluse avant deux jours, c'est une boucherie. C'est deux jours qu'il faut tenir. Chacun est libre. Ceux qui veulent s'en aller peuvent partir. Je n'oblige personne. Les autres... ". Une dizaine d'hommes seulement ont quitté le cercle tête basse. Les autres n'ont rien dit. Ils sont allés chercher leurs fusils. Et ils sont descendus dans la direction de la Cluse. »

L'arrière-garde fut massacrée mais sa résistance vraiment héroïque évita à l'armée de Bourbaki un massacre encore plus épouvantable. Près de 80 000 hommes arrivèrent, en effet, à traverser la frontière. Ce gigantesque "défilé" dura... deux jours et deux nuits sous la neige avec une température quasi-sibérienne...

Le Panorama de Lucerne

En 1871, Edouard Castres (1838, Genève - 1902, Annemasse), citoyen helvétique, était toutefois auxiliaire de la Croix Rouge dans l'Armée Bourbaki. Il fut bouleversé par cette déroute qui frappe à mort, hommes comme chevaux. Il exorcisa sans doute cette expérience terrible en peignant ce qu'il avait vécu. Son œuvre est exposé au Bourbaki Panorama à Lucerne.

Le Bourbaki Panorama est une immense fresque peinte - 1 800 m2, 10 mètres de haut - installée dans les murs d'un musée de Lucerne (Suisse). Edouard Castres en est le maître d'œuvre. Il fut aidé par une dizaine de peintres renommés. Document historique unique, ce chef-d'œuvre est accessible au public dans le bâtiment restauré du panorama à Lucerne.



Les quelques centaines de villageois suisses firent face, avec leurs propres et faibles réserves, "à l'état d'épuisement, de blessures, de famine et de désordre d'une colonne d'hommes exténués". Chaque soldat arrivant en Suisse devait déposer ses armes et celles-ci, entassées, faisait de véritables murs de fusils, de cartouchières, de cuirs, de tambours, d'armes blanches...

Sur le front de France, Paris tomba le 28 janvier 1871 et l'Armistice de Versailles mit fin à la Guerre. Elle n'avait duré qu'à peine 6 mois et à son issue, l'Alsace et la Lorraine devenaient allemandes pour près de 50 ans...


Le Grenier Généalogique - Juin 2017